1954

 


Déclaration de la guerre d'Algérie


Appel de l'abbé Pierre

L'insouciance de l'adolescence
Dien Bien Phu
Les accords de Genève
L'Allemagne entre dans l'Otan
Déclaration de la guerre d'Algérie
Appel de l'abbé Pierre
prêtres ouvriers
application de la TVA
"Bonjour tristesse" le livre d'une petite bourgeoise révoltée

1954

Dien Bien Phu
L'année dernière, le général Navarre avait fait aménager un camp de 12 000 hommes et une grosse quantité d'armement à l'arrière du front à Dien Bien Phu, tout prés de la frontière laotienne. Ce que n'avait pas prévu le général, c'est la force que peut donner la conviction d'être dans son droit. Il n’avait pas imaginé un seul instant que les vietnamiens communistes transporteraient à dos d’hommes ou sur les cadres de bicyclettes, à travers la jungle et dans la boue, des pièces d’artillerie en nombre suffisant pour les encercler dans la cuvette qu'était Dien Bien Phu. Les Français allaient essuyer un déluge de feu, mais surtout l'ennemi avait rendu l'envoi de renforts et de ravitaillement pratiquement impossible. Le 7 mai les 12 000 soldats qui constituaient les forces françaises sont faits prisonniers. Avec Dien Bien Phu la France a perdu la guerre. Il lui manquait la force morale que donnent le droit et le sens du devoir. C'est aussi ce qui se passera avec les Américains plus tard.

Les accords de Genève
Le 18 juin, Mendès France est élu 1er Ministre et Ministre des Affaires Etrangères par 417 voix contre 47 et 143 abstentions. Vice-président du Parti Radical on ne sait pas trop où le situer. Très jeune, il s’était lié au groupe maçonnique Littré-Condorcet, ensuite à la Ligue d’Action Universitaire Républicaine et Socialiste. En 1928, inscrit à la loge de Paris du Grand Orient, il devient très vite compagnon puis maître en 1930. Elu député de l’Eure en 1932, en 1954, il est déjà rodé dans la politique dont il connaît toutes les ficelles. On le dit solitaire et original, voulant gouverner seul. Il en donne la preuve en refusant les voix communistes. Les socialistes le soutiennent, sans vraiment le soutenir, tout en le soutenant. Ce n'est qu'en voyant le résultat de son bilan (qu'ils prendront aussi à leur compte) qu'ils vont le considérer comme l'un des leurs. Il va se fixer un calendrier qu'il va essayer de respecter.
Déjà le 19 juillet, il se rend à Genève où dix-neuf pays se réunissent pour tenter de trouver une solution pacifiste aux différentes guerres d'Asie. Il rencontre Chou en Lai, parlemente, négocie. Le 21 les Accords de Genève sont signés.
Ces accords prévoient qu'aucun de ces pays ne recevra de l’aide militaire étrangère. Il prévoit aussi des élections libres aussi bien au Nord qu’au Sud. Une commission étrangère sera créée pour surveiller leurs déroulements.
Le 23 juillet, quand Mendès-France rentre en France, il est élu Président du Conseil par 462 voix. Ceci va lui permettre de lancer d'importantes réformes comme la baisse des crédits, la libération des échanges, la taxation contre les signes extérieurs de richesses, la lutte contre la fraude fiscale. En fin, il fait une réforme constitutionnelle dans laquelle le chef du gouvernement pourra être élu à la majorité simple.On reconnaît une autonomie interne à la Tunisie .

L'Allemagne entre dans l'OTAN

L'entrée de l'Allemagne dans l'OTAN est un événement historique. Le chancelier Konrad Adenauer participera lui-même au premier conseil de l'Allemagne le 9 mai 1955. L'Allemagne à l'Otan dix ans après la plus meurtrière des guerres paraissait impensable, mais les démocraties de l'ouest voulaient s'allier à la partie occidentale du pays dans le but de préserver la paix en Europe, s'opposer au totalitarisme la partie orientale et essayer de rétablir la démocratie sans toutefois nourrir de grandes illusions.

Algérie
En octobre, la France vit sous la IVe République. René Coty est Président de la République, Pierre Mendès-France Président du conseil. Charles de Gaulle est toujours à Colombey-les-Deux-Églises où il "sait" qu'un jour on viendra le chercher. Le colonel Bigeard et d’autres officiers parachutistes sont revenus des camps du Vietnam après le désastre de Dien Bien Phu du 7 mai.
Le 1er novembre, la guerre est déclarée entre l'Algérie et la France. Dans la nuit il y a eu des attentats et quatre personnes ont été tuées. Ces attentats ont été soigneusement préparés et font partie d'une volonté politique. Le CRUA (Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action) qui avait été fondé par Ben Bella devient le Front National de Libération (FNL) et les attentats vont se poursuivre. Le gouvernement de Mendès France, dans lequel François Mitterrand est ministre de l’Intérieur, décide que l'Algérie restera française et envoie des renforts.

L'abbé Pierre
L'après guerre avait favorisé l'industrie et négligé le bâtiment. On considère qu'il aurait fallu 100 à 150 000 logements de plus en France. Des bidonvilles ont poussé autour des plus grandes villes et les logements insalubres ne se comptent plus.
Cet hiver est un des plus rigoureux du siècle et un prêtre est préoccupé par cet état de chose. La mort d'un bébé dans un bidonville tout proche de Paris, va profondément l'émouvoir et il déclenche une campagne d'information sur les mal-logés et les sans abris.
En ce 1er février 1954, d'une voix tantôt suppliante tantôt énergique ou chaleureuse, il va émouvoir la France entière. Dans les studios de Radio Luxembourg au journal de 13 heures, il lit cet appel qui restera célèbre.
“Mes amis! Au secours! Une femme vient de geler cette nuit, à 3 heures, sur le trottoir du boulevard de Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel on l’avait expulsée, avant-hier. Chaque nuit, ils sont plus de deux mille, recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu.
Écoutez-moi: en trois heures, deux centres de dépannage viennent de se créer. Ils regorgent déjà. Il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière, dans la nuit, à la porte des mieux lotis, où il y ait des couvertures, paille, soupe, et où on lise: „Centre fraternel de dépannage. Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir. Ici, on t’aime. “
Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain, cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques. Déposez-les vite à l’hôtel Rochester, 92, rue La Boétie...”

Et on voit que les Français ont du cœur quand on fait appel à eux: dans les minutes qui suivent, le standard de la station se bloque. À 14 heures, la rue La Boétie est fermée à la circulation.
Ce prêtre avait déjà un nom, mais il avait surtout un pseudonyme. Il avait fait de la Résistance et Henri Groués s'était fait connaître sous celui de l'abbé Pierre. Il avait aussi été député de Meurthe et Moselle. Il avait créé une association qui s'appelle "les chiffonniers d'Emmaüs" d'après lui, pour permettre aux plus pauvres de retrouver leur dignité. Dans les années 2 000 l'abbé Pierre reste encore l'homme le plus aimé des français.

Prêtres ouvriers et prêtres ouvriers
Les "renseignements généraux" les regardent avec méfiance……Les prêtres ouvriers ont souvent des agissements qui irrite le Vatican. –" Cela ne peut pas durer"- a dit Pie XII et les évêques de France reçoivent l'ordre de faire sortir des usines la centaine qui y travaille. C'est que, en manifestant en première ligne contre le général américain Ridgway (chef d'état major en Corée) en s'inscrivant au parti communiste pour d'autres, en jouant les durs dans les piquets de grèves, ils ont attiré l'attention des médias…. et celle du pape.
Les français, mêmes évêques, n'aiment pas les interdictions. Ils se jugent suffisamment intelligents pour savoir ce qu’ils ont à faire. Tant pis pour l'unité de l'Eglise, le Cardinal Suard fait cette déclaration à la presse: -" Ce n'est pas l'évêque de Rome, mais celui de Paris qui aura un jour à répondre de l'âme des ouvriers parisiens"- Puis c'est François Mauriac qui va "défendre" les dominicains qui sont ceux qui se distinguent le plus dans le milieu ouvrier. Les catholiques plus proches du Pape se demandent quel apostolat peuvent bien faire ces prêtres qui réduisent la doctrine du Christ à une vague morale sociale et qui mettent en cause la nature même du sacerdoce, définie dans le concile de Trente.
J'ai dit, je le répète et je redirais encore, que la frontière entre la défense d'une juste cause et la recherche d'une gloriole personnelle est tellement ténue que ceux qui la franchissent ne s'en aperçoivent même pas. Ces prêtres continuent sur leurs lancées: ils tiennent une sorte de congrès le 21 février et sur la centaine qu'ils sont, soixante refuseront de se soumettre: C’est moi qui ait raison, tous les autres ont tort!
Il y a, pourtant, dans la religion catholique la parabole de l’homme qui, à l'avant du temple se sentait bien un petit peu pêcheur, mais disait -" Moi je jeûne, je ne travaille pas le jour du sabbat, je donne l'aumône au pauvres et je suis à la lettre tous vos enseignements, heureusement que je ne suis pas comme ces autres pêcheurs! "- et il y avait celui qui se mettait tout à fait à l'arrière et, en se frappant la poitrine disait –" Seigneur! –" Seigneur! Je sais bien que je suis un grand pêcheur et je ne mérite pas ton pardon…….."- Eh bien à toutes les époques probablement, et sans doute par réaction, il y en a qui font le chemin inverse! Ceux qui pensent: –"Seigneur! Seigneur ! Tu vois bien je ne suis pas de ceux qui se mettent à l'avant; je ne prétends pas être bon. Tu vois bien que je reste à l'arrière et je me considère comme un grand pêcheur. Je suis donc celui qui respecte ton enseignement! C'est moi qui ai raison…les autres ont tort…"- De ceux-là on en trouvera bien d'autres jusqu'à la fin du siècle…..

Bonjour tristesse
Françoise Sagan publie "Bonjour tristesse" Une jeune fille bourgeoise qui se "révolte" contre son milieu naturel et son roman ne pouvait pas trouver une époque plus favorable. Les jeunes bourgeois s'ennuient et se reconnaissent dans l'héroïne. Son succès est fulgurant. On retrouvera Françoise Sagan plus tard engluée dans la mélasse qu’elle critique maintenant !

Il y a aussi :
En France la Taxe à la Valeur Ajoutée (TVA) est mise en application.
Les Etats-Unis interdisent le Parti Communiste.
Les premiers transistors font leurs apparitions.
On invente le vaccin contre la poliomyélite.Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les pays où l'hygiène de vie est meilleure sont les plus exposés. Dans les autres, la population s'immunise naturellement.
On découvre que l'homme possède 23 paires de chromosomes au lieu de 24 comme on le croyait jusqu'à présent.
Un chimiste italien met au point une fibre synthétique très résistante. C'est le polypropylène. Il aura des applications dans le textile.
L'autocuiseur se propage dans les foyers français..

Personnel
En Espagne, j'avais atteint mes 16 ans et le temps passait, monotone. Les classes sociales étaient hermétiquement cloisonnées. Je me souviens qu'un jeune homme tomba amoureux d'une fille un peu plus "riche" que lui et il fut la risée de tout le village. (Il est vrai, qu'en plus, il n'était pas très très futé et cela en rajouta sans doute un peu)
Le travail était tellement dur que l'on a de la peine à l'imaginer. Nous avions quand même nos loisirs -qui ne l'étaient pas vraiment-, mais qui nous suffisaient, à mes copains et moi-même. Je ne me posais toujours aucune question. La vie vécue de cette façon me paraissait logique et je n'en imaginais pas une autre.
Quand je retourne sur les lieux, je regarde et je réfléchis sur cet hectare de terrain que nous avons creusé sur environ 80 centimètres et qui constituait une petite partie du travail que nous avons effectué. Nous avons emmené la terre sur des champs marécageux afin de les fertiliser. J'ai fais le calcul et, en comptant le foisonnement, cela fait 16 000 m3 que nous avons chargé à la pelle, à quatre personnes, sur une remorque, pour ensuite les décharger au bout d'un trajet d'environ cinq minutes. Ces cinq minutes étaient notre temps de repos entre chaque tour, mais nous étions trempés de sueur et ce trajet, nous le faisions montés sur la terre de la remorque, fouettés par le vent. Il fallait vraiment être résistant pour ne pas tomber malade. Ce travail nous le faisions dans les périodes creuses en dehors des temps de récoltes. Mais le travail le plus dur était certainement celui de l'arrachage de chanvre (esparto) qui servait à la fabrication de papier. L'horreur! Ce travail devait se faire "à la fraîche" c'est à dire quand il était un peu humide. Une fois sec, cet arrachage devenait impossible. Mais avec l'humidité, la peau des mains devenait plus fragile et chaque touffe de chanvre arrachée, frottait au passage sur le dos du pouce en enlevant la peau le premier jour, mais emportant la chair les jours suivants. Il fallait se conditionner et se dire-"si les autres le font, tu dois être capable de le faire aussi"- Avec les premiers rayons de soleil, le chanvre séchait, devenait coupant et il fallait arrêter. Nous avions travaillé de 3 heures du matin à 9 heures ou 9 heures 30. L'après-midi nous allions travailler dans les champs (pour nous reposer) Le chanvre ainsi récolté était pesé et nous étions payés au poids. Je dois confesser que je faisais pâle figure à côté d'autres personnes et pourtant j'avais donné tout ce que j'avais dans le ventre.
Moi qui aurais voulu tout apprendre, tout lire, écouter toute la musique, visiter le monde entier, tout connaître, tout voir et tout savoir, mon univers s'arrêtait aux manches de la pelle et de la pioche que je tenais dans les mains.
Heureusement, l'hiver, il y avait des conférences sur différents sujets, puis, l'instituteur ou le curé, donnaient des cours du soir et je ne manquais pas de les suivre. La seule façon de s'instruire !

 

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