1958 Retour en politique de De gaulle
De Gaulle attendait patiemment à Colombey les deux Églises
et il avait raison d'attendre. On a dit et redit que le régime
des partis était incapable de gérer le problème de
la guerre d'Algérie, mais il est probable qu'aucun homme politique
n'en avait le charisme. La classe politique s'est discréditée.
Félix Gaillard qui était en place depuis peu est mis en
minorité à son tour. Même les policiers, qui doivent
pourtant avoir un devoir de réserve, manifestent devant le Palais
Bourbon. Un gouvernement formé à la hâte ne dure que
quelques jours. Alors le Président Coty pense à de Gaulle.
Il en parle à l'assemblée et on va le chercher.
Je pense qu'il a du savourer ce moment, le général, mais
il devait commencer à connaître la nature humaine et savoir
qu'on peut s'attendre à tout.
Ainsi donc, De Gaulle devient président du Conseil avec 309 voix
contre 224. Il compose un gouvernement avec des socialistes et des MRP,
mais il prend surtout Antoine Pinay de qui on reparlera plus tard. De
Gaulle ouvre aussitôt des grands dossiers comme l’Algérie
et la Constitution qu’il faut absolument réformer.
Pour réussir la décolonisation, il propose aux nouveaux
États de choisir par référendum entre l'indépendance
ou s'associer à la France au sein d'une communauté. La Guinée
choisit l'Indépendance, les autres la Communauté.
Pour reconstruire l'Europe, il faut compter sur l'Allemagne, c'est au
moins ce qu'il pense. En septembre, il reçoit le chancelier Adenauer.
D'un autre côté, Pinay lance un emprunt indexé sur
l’or ce qui va rapporter 324 milliards de francs à l'État
et après une dévaluation du franc il créé,
en décembre, le franc lourd qui vaut 100 francs anciens. Mais il
invente aussi 300 milliards de francs d’impôts nouveaux et
réduit les subventions. A chaque changement de régime, les
gouvernements de quelque bord qu'ils soient, adoptent cette tactique:
Ils augmentent les impôts dans la foulée des élections,
la pilule est ainsi moins visible et moins amère.
La France avait aussi un grand besoin de stabilité, nous l'avions
vu dans les dernières années avec ses gouvernements successifs
et éphémères. De Gaulle avait déjà
cette conviction avant son "exil" et n’avait pas varié
dans cette idée, bien au contraire. Dans sa réforme de sa
nouvelle Constitution, le chef de l’État aura un rôle
plus important (trop important?). Un référendum est organisé
et le résultat prouve que la classe politique antérieure
était déconsidérée. De Gaulle recueille 80
% de "oui" le 28 septembre. Désormais, le Président
de la République désignera le Premier ministre et pourra
dissoudre l'Assemblée. A lui aussi, d'organiser les pouvoirs. Le
21 décembre le général est élu président
de la République avec 78.5%, son parti, l'UNR (Union pour la Nouvelle
République) est le grand gagnant des élections législatives.
Trois élus sur quatre n'ont plus été réélus.
Parmi les grands battus on retrouve Mitterrand. Autres battus : Edgar
Faure et aussi Pierre Mendès-France.
Mais bien avant cela, au mois de mai, des événements graves
avaient eu lieu en Algérie. Des appelés prisonniers du FLN
avaient été assassinés et ce fait avait provoqué
des manifestations surtout à Alger. Un général appelé
Salan avait écrit au président de la République:
-" l’armée unanime ressentirait comme un outrage l’abandon
de l’Algérie. On ne saurait présager ses réactions
de désespoirs"-
Les manifestations continuent. Un groupe d'officiers supérieurs
créé un "comité de salut public" dont le
président est le général Massu. Ce comité
déclare prendre les destinées de l'Algérie française
en main. Le 15 mai, Salan avait fait acclamer le nom du général
de Gaulle. La situation était grave et de Gaulle avait répondu
qu'il était prêt a assumé les pouvoirs.
Trois jours seulement après avoir été investi dans
son poste de Président du Conseil, de Gaulle se rend à Alger.
C'est là qu'il va clamer à la foule les bras écartés
son –"Français, Française, je vous ai compris"-
qui restera célèbre et souvent imité. Cependant,
s'il ne dit pas: " vive l'Algérie française "
son attitude laisse croire qu'il le pense. Ne dit-il pas qu'il n'y a plus
en Algérie que des français à part entière.
Ce qui prouve que même les plus grands hommes font des erreurs.
Et il en fera encore d'autres, le général.
Le 28 septembre, l’Algérie vote à 98 % pour la nouvelle
Constitution De Gaulle annonce, un plan de développement en faveur
de l’Algérie; il reconnaît qu'il existe une personnalité
algérienne. Mais le 19, le FLN avait créé un gouvernement
"de la République Algérienne" avec Ferhat Abbas
à sa tête et ce gouvernement rejettera toutes les ouvertures
politiques. Les généraux et les officiers qui avaient constitué
le comité de « salut public » dont Jouhaud, Vanuxem,
Salan sont renvoyés vers la métropole.
Élection d'un nouveau pape
Élection de Jean XXIII qui succède à Pie XII. On
dit que ce serait un Pape de transition. Autrement dit, il n'avait pas
assez d'envergure pour faire un grand pape, et pourtant il fera parler
de lui ce Jean XXIII! Pie XII, qui sera si critiqué par la suite
était mort à 82 ans.
Conflits en Irak
Il y avait bien pire qu'en Espagne! En Irak, le 14 juillet, le général
Kassem s'empare du pouvoir que le roi Fayçal II détenait
depuis 1937 avec l'appui des anglais qui tiraient du bénéfice
du pétrole. Il livre le roi à la foule qui let massacre.
Le pouvoir n'a pas toujours que du bon! Il a tout juste le temps de proclamer
une République, qu'il est à son tour assassiné par
un colonel du nom de Aref. Ce colonel se serait entendu avec Nasser qui
voulait unir tous les arabes dans une grande nation.
Celui-ci a déjà commencé, d'ailleurs, en proclamant
la République Arabe Unie. Elle se compose, pour l'instant, de la
Syrie, l’Égypte et le Yémen du sud. Et il est élu
avec 100 % des électeurs, Nasser ! (qui dit mieux?)
Colonialisme
Le colonialisme dans sa forme traditionnelle est moribond, mais les "Grandes
Nations" se livrent à une lutte acharnée pour garder
l'influence sur ces pays où règne l'analphabétisme,
où les gens ne savent plus cultiver les terres mais vivent du pétrole
qui regorge sous leur sable. Nous avons vu qu'une première "bataille"
avait été perdue par les États-Unis avec le barrage
d’Assouan et, justement, l'URSS vient d'accorder 40 milliards de
francs à l’Égypte pour sa construction!
Chine
Et en Chine ça ne va pas mieux. Mao a décrété
que la famille et la propriété sont abolies. Les "communes
populaires" géreront la vie sociale qui sera uniquement collective.
Elles seront aussi chargées de l'éducation de enfants; d'organiser
les travaux domestiques, industriels et agricoles. Le communisme n'est-il
pas la dictature du prolétariat? A-t-il décidé toutes
ces mesures, le prolétariat? Les mères ont-elles décidé
de donner leur nouveau né, qu'on vient de sortir de leurs entrailles,
à cette éducation collective?
Et la démocratie alors ?
L'Espagne, vit sous l'enfer du fascisme, la Chine vit dans le paradis
démocratique créé par les forces du progrès!!!!
Dans le même ordre d'idées, en Hongrie quatre des dirigeants
du printemps de Prague sont exécutés après un simulacre
de procès et Boris Pasternak qui a reçu le prix Nobel de
littérature, ne peut pas sortir de l’URSS pour recevoir son
prix. En Allemagne de l'Est, de plus en plus d'allemands préfèrent
risquer la mort pour essayer d'en sortir par tous les moyens, que de rester
dans cette partie "démocratique" de l’Allemagne
Nouvelles du monde
Et les "grands" se battent aussi à coup de satellites:
les américains avaient mis Explorer I sous orbite et l'URSS le
Spoutnik 3. Et comme les Russes étaient en avance, les américains
sortent le Nautilus, un sous-marin atomique qui va passer du Pacifique
à l'Atlantique sous la calotte glacière.
Arrivée de Nikita Krouschev au pouvoir en URSS.
Les Etats-Unis débarquent au Liban. Les Britanniques en Jordanie.
Le Pape Pie XII meurt et Jean XXIII lui succède.
L'Union Soviétique finance la construction du barrage d'Assouan.
Nous avions suivi la coupe du monde de Football à la radio et c'est
le Brésil qui avait été le vainqueur.
Première ligne transatlantique d'avions à réaction
entre Londres et New-York. Quelques semaines plus tard un Boeing 707 assurait
New-York Paris.
Les premiers appareils d'imageries médicales font leurs apparitions
à Glasgow. Ils ont été imaginés sur le principe
des sonars de l'armée.
En Arménie "soviétique" Ilya Daresvsky découvre
une espèce de lézards femelles qui n'ont pas besoin d'un
mâle pour se reproduire. A étudier !!.
Invention de la super glue. Colle
miracle qui colle tout en quelques secondes. Si la première étaient
vraiment efficaces, ce ne sera plus le cas les années suivantes.
Lancement d'un brise-glace à propulsion nucléaire à
Leningrad. Il a été conçu pour résister à
d'énormes pressions et permettra de naviguer dans des mers recouvertes
par la banquise
Personnel et sans importance
Je me souciais peu de ces événements. Les seuls problèmes,
comme tous les jeunes de mon âge, étaient d'ordre sentimental.
La politique était le dernier de mes soucis et je n'y voyais aucun
rapport avec ma vie quotidienne. J'avais vingt ans, j'étais encore
à l'armée et j'y resterai jusqu'à la fin du mois
d'août. Nos seules préoccupations, à nous simples
soldats, étaient de passés inaperçus. Surtout ne
pas se faire remarquer! Cette attitude nous préservait des punitions,
souvent de corvées de nettoyage et de bien d'autres choses et nous
permettait d'avoir les après-midi libres. Nous en profitions pour
faire du vélo sur les routes avoisinantes et quelquefois d'aller
chez un ami à Alcala de Ebro ou chez un autre à Gallur.
Des capitaines que je côtoyais chaque jour me permirent d'aller
faire quelques tours en avion.
La base américaine se trouvait en bout de piste de la nôtre
et, à la suite, l'aéroport civil de Zaragoza. Nous étions
impressionnés par un énorme avion américain qui pouvait
transporter 600 hommes et leur équipement. Leurs voitures, des
énormes Chevrolet, Buick, Cadillac contrastaient avec nos vélos
qui pesaient 24 kilogrammes. Ce contraste, comme il doit se passer dans
tous les pays où ils se trouvent, faisait naître chez les
espagnols un sentiment d'orgueil blessé, et n'avaient guère
de sympathie à leur égard. Pourtant, je n'avais jamais trouvé
chez eux la sensation qu'ils voulaient " nous en mettre plein la
vue". Il y avait beaucoup de noirs et ils devaient peut-être
avoir les mêmes impressions que nous par rapport à leurs
camarades. Peu de choses, en fait, dans ces dix-huit mois de vie militaire,
à part un grand repos par rapport à ma vie de paysan.
En Espagne, les journaux parlaient de foot et de
toros, mais souffrions-nous vraiment de la dictature. Devaient souffrir
les politiciens et les gens "mordus" de la politique, mais je
n'ai jamais entendu un jeune de mon âge se plaindre.
Et pourtant à l’extérieur de l'Espagne le monde entier
nous plaignait. En 1956, j'étais allé voir ma sœur
restée en France, j'y avais rencontré mes anciens instituteurs,
qui étaient encore communistes à cette époque, ils
m'avaient regardé comme si j'étais le plus malheureux de
la terre!
A la fin du mois d’août, j’étais
démobilisé et j’allais replonger dans la vie villageoise
et agricole de ce « pueblo » aragonais. Une grande famille
de 1 400 habitants, et l’univers se résumait là pour
la plupart des habitants. Comment en sortir sans moyens? Comment faire
autre chose que ces « jornales » dans l’agriculture
? J’allais essayer de trouver du travail dans des hôtels en
faisant valoir ma connaissance du français, puis essayer de faire
du dessin industriel. La première chose, sans résultats
valables, la deuxième : j’avais vite compris qu’il
était impossible de faire 50 Kms en vélo tous les jours,
après le travail et de nuit.
Le temps passait…..