Bientôt l'âge des responsabilités.
Comment nourrir une famille ?
1960
Problème en Algérie
Au début janvier, le général Massu a osé critiquer
la politique du chef de l’Etat, alors on le rappelle à Paris.
Le 24, les pieds-noirs ripostent et organisent une manifestation à
Alger. Sur les barricades qui ont été montées, les
« Unités Territoriales » brandissent des armes. Des
coups de feu partent sans que l’on sache vraiment d’où
et c’est l’affrontement entre les gendarmes et les insurgés.
On compte 22 morts.
Pierre Ortiz et Pierre Lagaillarde, deux des chefs « activistes
» s’enfuient en France et commencent une résistance
armée contre De Gaulle et son gouvernement. Je dois dire ici, entre
parenthèses, que je ne vois pas très bien comment ils ont
pu faire, dans cette France ultra surveillée. Le Général
se rend en visite en Algérie en mars et il parle cette fois-ci
d’Algérie algérienne.
Des intellectuels, dont Sartre, Simone de Beauvoir, Breton, qui se veulent
le fer de lance de l’ « intelligentsia » parisienne,
soutiennent les insurgés. Ceux-ci sont jugés, mais ils sont
presque tous acquittés. En Algérie européens et musulmans
s’affrontent faisant des morts presque tous les jours
Dans le courant de l’été, l’Otan reconnaît
au peuple algérien le droit à l’autodétermination.
Le 16 novembre l’Elysée annonce un référendum
sur l’organisation des pouvoirs en Algérie Le 31 décembre,
lors des vœux à la nation, de Gaulle déclare qu’en
cas de vote négatif ou de majorité trop faible à
son référendum, il se retirera.
Et pourtant, la France est passée en quinze ans de 40.5 millions
à 45 millions. Grâce à la sécurité sociale,
les grossesses et les soins sont mieux suivis, la mortalité enfantine
a diminué des deux tiers. Le travail ne manque pas. Les offres
d’emplois sont bien supérieures aux demandes (j’en
suis la preuve vivante) et la vie pourrait s’annoncer sans problèmes.
Il n’y a que 41 000 chômeurs.
De Gaulle pense que les armes nucléaires sont
la clé de voûte de la dissuasion. Les premiers essais atomiques
ont été expérimentés cette année dans
le Sahara, à Tanezrouft. Le premier engin avait une puissance de
70 kilotonnes, soit 3 fois la puissance des bombes américaines
lancées sur le japon. Deux autres expériences ont lieu cette
même année.
Etats-Unis
Aux Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy bat Richard Nixon par 120 000
voix d’écart seulement. Ce jeune président n’a
que 43 ans et il est l’un des membres d’une très riche
famille catholique irlandaise. Lui et son épouse Jacky vont très
vite devenir les chouchou des médias. Il a basé son programme
sur l’éducation et l’intégration des Noirs,
l’aide aux pays sous développés. Il a parlé
aussi et d’« espaces nouveaux de démocratie ».
L’Amérique devra « conquérir la liberté
» de nouveaux Pays ( ?!).
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Monde:
Brasilia une ville nouvelle entièrement construite sur plans à
1 000 Km des côtes devient la capitale du Brésil.
Santiago Carrillo devient secrétaire général du Parti
communiste d'Espagne. En dehors d'Espagne bien sûr! Il le restera
jusqu'en 1982.
Les colonies britanniques, Somalie et Chipre deviennent indépendantes.
Kennedy devient le président des Etats-Unis.
Les pays du pétrole constituent L'OPEP.
Les jeux olympiques se déroulent à Rome.
Congo belge.
Au Congo, les Belges aussi sont confrontés aux problèmes
de la décolonisation. Dans la confusion et la précipitation,
les autorités annoncent des élections pour le printemps
et l’indépendance pour juin. Au mois de juin, le roi Baudouin
se rend à Léopoldville. Il transmet le pouvoir au nouveau
président Joseph Kasavubu et au Premier ministre Patrice Lumumba
dont le parti a remporté les élections, mais les nouveaux
élus sont bien incapables d’exercer une quelconque autorité
dans ce pays. Le 6 juillet, l’armée entre en rébellion.
Le 11, c’est la riche province de Katanga qui fait sécession,
sous la direction de Moïse Tschombé. Ce dernier était
très proche de la société Belge l’Union Minière….
Qui l’y a peut-être un tout petit peu poussé. Kasavubu
et Lumumba, veulent se défaire une fois pour toute de la tutelle
des Belges. Ils demandent à la France de retirer ses troupes et
font appel à l’ONU. Celle-ci répond favorablement
et envoie les premiers contingents le 15. Mais les envoyer c’est
bien, leur donner des directives « c’eut été
mieux ». Sans mandat pour intervenir dans le conflit, la présence
des casques bleus est inefficace. Lumumba menace alors de faire appel
à l’URSS. Menace que brandiront beaucoup de pays africains
à chaque conflit. Le 5 septembre, Kasavubu destitue Lumumba et
dissout le Parlement, cependant il ne parvient pas à gouverner
ce pays où il n’y a pas vraiment d’élites. Le
secrétaire Général de l’ONU, approuve la décision
d’appeler au pouvoir un ancien lieutenant de Lumumba, le colonel
Joseph Désiré Mobutu. Celui-ci doit garder quelque rancœur
envers son ancien chef et le fait arrêter immédiatement puis
transférer au Katanga. Là, Lumumba a la mauvaise idée
de vouloir s’évader – c’est du moins ce que prétend
Mobutu – et il est abattu lors de cette prétendue évasion.
Des combats interethniques éclatent partout. Le pays plonge dans
un chaos total.
Des chirurgiens de l'Oregon Medical School implantent
une valvule artificielle dans un malade.
Les ordinateurs deviennent de plus en plus petits.
Tatiana Proskouriakoff déchiffre l'écriture Maya au Mexique.
L'écriture est composée d'idéogrammes (symboles représentant
des mots ou des phrases) et des phonogrammes (signes de phonétiques)
De Gaulle est Président de la V République. Le pape est
Jean XXIII.
Mort de Fausto Coppi et de Boris Pasternak
Personnel (et
sans importance)
Le premier janvier à 0 heures,
le père de ma fiancée était mort à l’âge
de 60 ans. Pour avoir travaillé trop fort et trop jeune, il était
resté handicapé à vie dés ses 14 ans. Le manque
d’activités physiques avait fatigué son cœur
et un vulgaire rhume, l’avait emporté en quelques semaines.
Son épouse et sa plus jeune fille se retrouvaient sans ressources,
sans économies et sans travail. Tout de suite j’avais compris
que cette situation ne pourrait pas s’éterniser. Le mariage
était une des premières solutions qui m’étaient
venues à l’esprit mais, pour se marier, il fallait trouver
du travail. Quel travail en Espagne puisqu'il n'y avait rien?
Comme les animaux dans le désert à la recherche d’un
point d’eau, l’instinct nous guidait. Et quand je dis nous
je fais référence aux plusieurs centaines de milliers
d’espagnols qui allaient émigrer à la recherche d’un
travail que nous ne trouvions pas en Espagne. Ma mère pleura dès
le premier jour où je lui avais annoncé mon intention de
partir. Ses larmes m’agaçaient un peu parce que j’étais
convaincu qu’il n’y avait pas d’autres solutions. Je
n’ai compris sa douleur qu’une fois que je me suis trouvé
dans sa situation et que j’ai vu mes enfants partir au loin.
Je ne me souviens pas très bien de la réaction de mon père.
Il avait du émettre une sorte « heimm », faire une
sorte de rictus et détourner la tête. Il en avait l’habitude
quand il ne savait pas trop comment exprimer ses sentiments. L’expression
de son visage se situait entre le sourire et les larmes et résultait
uniquement de son désir de cacher son émotion. Son heimm,
je n’ai jamais très bien compris ce qu’il voulait dire,
mais j’ai fais un mauvais héritage et, tout comme lui, je
n’ai jamais bien su exprimer mes sentiments à mes enfants,
ni leur manifester tout mon amour paternel.
A la fin du mois d’août, je pris le train vers Canfranc, la
frontière française la plus proche en direction du Loir
et Cher. Je n’avais pas encore mesuré toutes les conséquences
de ce départ. Pour ma fiancée et moi, c’était
la fin de notre jeunesse, le déracinement, la grande déchirure.
La plaie qui ne se refermerait jamais.
Août 1960.
Le train de 17 heures 15 partant de Zaragoza en direction de Canfranc
se met en marche. Dans un des compartiments, un jeune de vingt-deux ans
a le cœur serré. Il ne regarde même pas par les fenêtres.
Il ne veut pas que ses parents, restés sur les quais en larmes,
voient les siennes qui augmenteraient encore leur douleur. Il pense aussi
à sa fiancée qui est restée dans ce village d’Aragon
situé à 12 km de la capitale. En plus du chagrin de la séparation,
elle doit se demander avec anxiété quel sera leur avenir.
Ce jeune qui partait pour la grande aventure c’était moi.
J’allais rechercher du travail à l’étranger.
Je laissais derrière moi tout ce qui m’était cher
et mon avenir était plus qu’incertain.
Au soir de ma vie, et certainement comme la plupart de ces émigrants,
ces questions me reviennent amères, douloureuses, lancinantes :
ai-je bien fait de partir ? N’aurais-je pas du rester auprès
des miens, courber le dos et attendre des jours meilleurs ?
Déracinés, étrangers que nous sommes dans notre propre
pays, étrangers dans le pays d’accueil, nulle part à
l’aise, le cœur blessé à tout jamais, la famille
éclatée, éparpillée au quatre coins du monde.
Et cette sensation angoissante, l’impression d’avoir complètement
raté sa vie et entraîné dans cet immense gâchis
l’existence de tous ses proches. Et aussi la sensation d’avoir
vendu, et fait perdre, leur " âme"», leur "
essence " même à ses proches, en échange du pain
quotidien et d’un petit confort.
Puis quarante sept ans de dur labeur pour un résultat nul et, comme
fortune, une retraite ridicule, comme avenir, la mort dans la solitude.