L'HISTOIRE DU 20ème SIECLE

 

LES MEMOIRES D'UN PLOUK


Ma famille

Ma naissance dans une cabane au bord de la route, sous les bombes franquistes,
le 28 mars 1938

 

On les a sortis du lit et ils sont là où on a bien voulu les mettre, dans le salon ou dans " leur" chambre, recroquevillés sur leur fauteuil roulant, totalement indifférents à leur environnement jusqu'au moment où l'on viendra les remettre au lit.
On pourrait penser que le temps et l'âge ont déformé leurs corps, ce pauvre corps qui a vieilli et qu'ils ne reconnaissent plus, qu'ils ne maîtrisent plus, mais n'est-ce pas le désir de revenir à la taille de leur enfance, celle qui leur rappelle les périodes où ils étaient entourés d'amour ?
Leurs yeux sans joie vont invariablement de la porte à la pendule et de la pendule à la porte. Ils espèrent....Ils attendent... ..ils attendent le seul fil qui les attache encore à la vie.

Mais ils attendent quoi ? La mort bien sûr, qui s'approche chaque jour un peu plus et qui peut survenir à chaque instant, mais ils attendent surtout cette hypothétique visite qui ne vient pas.

La fille trop prise par son travail et ses taches ménagères -" Tu sais papa je n'ai vraiment pas pu venir, il a fallu que j'aille...j'ai tant de choses à faire!.mon boulot, les enfants, les courses, le ménage !"

Le fils, .....qui viendrait bien plus souvent, mais que ses obligations, sa femme, les enfants, font qu'il ne puisse vraiment pas venir non plus. Tu sais papa je voudrais bien venir plus souvent mais franchement je ne peux pas...tu comprends ? ....Bien sur qu'il comprend !! Il y a bien longtemps qu'il a compris !

Les petits-enfants qui ont grandi et que les matchs de foot, les copains et les copines font qu'ils pensent bien de temps en temps, pendant 5 minutes à papy là-bas dans la maison de retraite mais qui oublie un peu plus tard, repris par l'insouciance de la jeunesse et le tourbillon de la vie!!.

Et on dit qu'ils deviennent égoïstes, alors qu'ils ne recherchent qu'un peu d'attention, un peu d'amour.

Lorsque leurs voisins reçoivent une visite, ils osent une petite phrase :-"Vous savez moi aussi j'ai un fils, une fille, des petits enfants et ils m'aiment beaucoup, vous savez! mais, vous comprenez, ils sont tellement pris!!"

Il leur arrive qu'a force de regarder cette pendule qui poursuit son chemin impitoyablement, ils veulent aller jusqu'à cette porte qui les coupe du monde dans lequel ils vivaient quand ils servaient encore à quelque chose.
A pas lents qui réveillent toutes leurs douleurs, la démarche hésitante, ils avancent, les yeux fixés sur cette porte qu'ils n'arrivent pas à atteindre, même si leurs pensées l'ont déjà franchie et vont bien au-delà. Mais la voix de l'aide-soignante les rappelle à l'ordre en les appelant par leur prénom comme s'il agissait de gamins indisciplinés !" X ou Y! retournez dans votre chambre, vous savez bien que vous n'avez pas le droit de vous promener dans les couloirs"-!!.
Et pourtant, pourtant ! Même dans les prisons on a le droit à la promenade!!

Alors? Alors ils se replongent dans leurs souvenirs puisqu'ils n'ont plus droit qu'à cela........

28 mars1938 la naissance
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